Cap Ferret : quand la mer monte, les riches dressent le parasol
Un parasol chic, un rosé bien frais, et l’Atlantique à deux doigts de bouffer la terrasse : au Cap Ferret, certains préféreraient voir le golfe de Gascogne engloutir le quartier plutôt qu’interrompre leur déjeuner. Entre huîtres gratinées et bétonnes antiques, les propriétaires blindés sirotent l’apocalypse comme on sirote une caïpirinha. Le sable s’efface, les digues tremblent, les pins tombent. Mais qui ose déranger la sieste de monsieur avec des histoires de réchauffement climatique ? Et vous, que feriez-vous si votre maison de vacances valait des millions… et coulait littéralement avec la marée ?
Ferret City : le paradis des dunes en train de se faire la malle
Le Cap Ferret, perle ostentatoire de la presqu’île girondine, est devenu en une décennie le spot préféré des fortunes françaises. Entre deux diners mondains organisés en tongs, on investit dans des “cabanes de pêcheurs” réhabilitées à coups de marbre italien et de béton hydrofuge. Pourtant, il suffit de décaler la chaise longue de deux mètres pour mesurer que le littoral recule. Selon Reporterre, l’érosion y a déjà grignoté jusqu’à 30 mètres de dune en dix ans à certains endroits. Et pendant que la plage file, les décisions aussi prennent l’eau. L’État classe certaines zones en retrait stratégique, les assurances lâchent les villas les unes après les autres… Mais les proprios, eux, résistent. Ont-ils les moyens d’acheter encore quelques marées ?

“Je n’ai pas le temps, je déjeune” : chronique d’un sabordage snob
Cette petite phrase, tenue à un élu local par un propriétaire débordé… par l’apéro, résume l’ambiance. Désintérêt climatique dans un décor de carte postale. Un élu d’Arcachon, resté anonyme mais documenté dans l’enquête exhaustive de Reporterre, affirme se heurter à des murs (chics) dès qu’il évoque la montée des eaux. “Le sujet est tabou”, confie-t-il. En témoignent les multiples arrêtés municipaux interdisant de reconstruire sur certaines parcelles à risque — régulièrement contournés par des recours d’avocats aussi chers que les piscines qu’ils protègent. Pourtant en 2023, le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) avait publié une carte de vulnérabilité montrant pratiquement tout le trait de côte en alerte. Une info enterrée ? Pas dans le sable, en tout cas.
Quand l’argent tente de bétonner la marée
Faut-il voir ici une métaphore de la politique climatique française ? Les moyens financiers mis en œuvre pour “sauver” des villas millionnaires de l’inéluctable sont considérables : murs anti-vagues illégaux, enrochements sauvages, procès en série… Mais la mer gagne toujours, et ce n’est pas un cabanon de milliardaire qui lui fera peur. Selon la prévision haute du GIEC, la mer pourrait monter jusqu’à 1,10 mètre d’ici 2100. À cette hauteur, entre 400 et 500 bâtiments résidentiels du Cap Ferret seraient menacés directe. Des études locales, comme celle menée par l’Observatoire de la Côte Aquitaine en 2022, montrent qu’un tiers de la presqu’île est déjà classé en “érosion active”. Pendant ce temps ? Le gouvernement planche sur une “stratégie nationale de gestion du trait de côte” (source : ecologie.gouv.fr), mais les projets se heurtent à un cocktail de pressions politiques, foncières… et mondaines.
Et pendant ce temps, La Teste-de-Buch pleure ses pins
À dix kilomètres du Cap Ferret, les habitants de La Teste-de-Buch, sinistrés par les méga-feux de 2022, assistent à la même indifférence. Là où le feu a mangé 20 000 hectares, la mer s’occupe du reste. Une association locale, “Trait de Côte Citoyen”, alerte depuis 2019 — dans un silence quasi absolu des pouvoirs locaux. Pourtant, plusieurs stations balnéaires européennes, comme Cuxhaven en Allemagne ou Hastings au Royaume-Uni, ont engagé depuis 2015 des plans massifs de relocalisation des biens en front de mer, accompagnés par l’État. Et en France ? Des recommandations… imprimées sur papier glacé. La solidarité climatique, elle aussi, prend l’eau. Alors que les sinistrés modestes doivent parfois fuir leur maison sans relogement, les riches s’arc-boutent sur leurs terrasses, quitte à saboter les décisions collectives.
Et vous, la montée des eaux, vous l’avez ressentie comment ?
Si vous viviez au bord de l’Atlantique et voyiez la plage disparaître sous vos fenêtres, que feriez-vous ? Attendre la marée haute avec un spritz ou appeler la mairie ? La politisation du littoral français — luxe d’un côté, abandon de l’autre — semble avancer au rythme inverse de celui des vagues. Pourtant, l’eau ne fait pas la différence entre le palace et la cabane. Et vous, vous la commentez comment, cette érosion qui ne fait pas de bruit, sauf quand elle emporte des morceaux de pays ?
FAQ
Le Cap Ferret est-il réellement menacé par la montée des eaux ?
Oui. Selon des études du BRGM et de l’Observatoire de la Côte Aquitaine, de nombreuses portions sont en érosion active avec jusqu’à 3 mètres de recul par an.
Que fait l’État pour anticiper ces risques ?
Une stratégie nationale de gestion du trait de côte est en déploiement, mais son application est freinée par des enjeux fonciers et des pressions locales.
Est-ce que des maisons devront être démolies ?
Oui. Certaines sont déjà sous arrêtés préfectoraux interdisant la reconstruction, et d’autres devraient suivre selon les prévisions d’ici 2040.
Les riches propriétaires peuvent-ils “acheter” leur protection ?
En partie. Certains tentent de financer eux-mêmes des protections illégales ou contournent les interdictions, mais cela retarde sans empêcher la réalité géologique.