Dans la cour d’une école primaire de banlieue, pendant qu’un ballon de foot rebondit sur l’asphalte, un enseignant serre les poings dans sa poche. Il vient de passer deux heures à déchiffrer des ressources pédagogiques « inspirées » par des experts venus d’en haut. Mais quels experts, au juste ? À qui confions-nous le soin de façonner les programmes éducatifs que nos enfants subiront – ou, avec un peu de chance, apprécieront ? Et surtout, pourquoi certains noms semblent surgir d’un chapeau, plus politiques que scientifiques ? Il y a, dans les tuyaux, une discrète mais stratégique opération de casting… Et vous n’avez probablement jamais entendu parler des coulisses. Envie de savoir qui tire les ficelles ? Attendez de découvrir ce que nous avons débusqué…
Quand l’éducation recrute à huis clos
Ce n’est pas tous les jours qu’un conseil scientifique se forme dans un bureau feutré de la francophonie. Et pourtant, depuis quelques semaines, un appel à candidatures discret a été lancé, presque confidentiel. Ciblant chercheurs, pédagogues et formateurs expérimentés, il provient du programme APPRENDRE, un dispositif mis en place par l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF), soi-disant pour « améliorer la qualité » de l’enseignement dans les pays francophones du Sud. L’info est enterrée sur cette page : Lire l’appel à candidatures.
Mais derrière les grands mots et les formats jargonneux se cache un enjeu fondamental : qui décide, demain, des orientations éducatives pour des millions d’élèves ? Détail troublant : parmi les critères de sélection, aucune mention explicite de conflits d’intérêts potentiels. Pas une ligne sur les liens avec des ONG, fondations privées ou think tanks politiques.
Voici qui veut piloter l’école de demain
En grattant un peu, Le Torchon a repéré plusieurs profils pressentis pour rejoindre ce « conseil scientifique ». Parmi eux, un ancien conseiller du ministère de l’Éducation nationale, aujourd’hui consultant pour un cabinet… spécialisé dans le lobbying éducatif. Un autre ? Un universitaire très médiatisé, chouchou des plateaux télé, connu pour sa proximité avec certains cercles politiques influents.
Et ce n’est pas une coïncidence. En 2023, une enquête menée par l’ONG Education International révélait que plus de 30% des projets « de coopération éducative » financés en Afrique par des institutions francophones impliquaient indirectement des acteurs privés (dont certaines EdTechs françaises). Selon le rapport du CNESCO (Conseil national d’évaluation du système scolaire), 62% des recommandations pédagogiques issues de ces conseils ne sont appliquées ni en France ni évaluées scientifiquement. Autrement dit : du pipeau institutionnalisé ?

Quand expertise rime avec influence
Le mécanisme est bien rodé : on forme un comité savant façon vitrine, on glisse quelques noms « indépendants », puis on pousse des axes de réforme qui semblent techniques mais ont des conséquences politiques – comme l’uniformisation des contenus ou l’externalisation des formations enseignants à des prestataires. Et cette stratégie s’exporte. Début 2024, un document interne du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, consulté par Le Torchon, évoquait « l’intérêt stratégique d’appuyer des modèles éducatifs francophones alignés avec les intérêts culturels de la France ».
Et les talents locaux, dans tout ça ? Témoignage d’Hamidou Traoré, formateur au Burkina Faso : « On nous explique comment enseigner comme si on sortait de l’âge de pierre. Pourtant, nos propres pédagogues sont rarement intégrés dans ces conseils, même quand on parle de nous former. » L’expertise locale, évincée par la cosmétique sonore des consultants d’estrade ?
- Pas de grille claire de sélection publiée
- Absence d’évaluation des recommandations passées
- Candidats proches d’intérêts politiques ou privés
- Faible représentation du terrain éducatif « réel »
Et si ce concours masquait une guerre d’influence ?
Ce que révèle cette affaire, c’est une bataille culturelle feutrée qui se joue loin de la médiatisation habituelle des réformes scolaires. En s’implantant via des conseils scientifiques, certains acteurs façonnent à bas bruit les générations futures – en toute légitimité apparente. Mais à qui profite vraiment cette « assistance éducative » ? À ceux qu’elle prétend aider… ou à ceux qui veulent bâtir leur soft power ?
Des voix s’élèvent déjà. L’enseignante Geneviève Delvaux, spécialiste de la coopération éducative, souligne : « On ne peut pas revendiquer améliorer l’éducation sans co-construire avec ceux qui la vivent. Sinon, cela revient à injecter du contrôle sous couvert d’expertise. » Une réflexion qui laisse songeur. Et nous, en France, serions-nous si différents si la sélection de nos propres comités ne suivait pas les mêmes logiques opaques ?
Et vous, laisseriez-vous vos enfants entre leurs mains ?
Demain, les orientations éducatives de pays entiers pourraient dépendre d’un petit cercle d’experts triés – ou cooptés – sur le volet. Pas de dossier public, pas de contrôle citoyen, et parfois, pas même d’ancrage réel dans le terrain. La science a bon dos, quand elle devient un paravent utile à certains agendas. À vous maintenant : si on formait un conseil scientifique « par le bas » ? Qui en serait digne ? Et surtout… pourquoi n’y êtes-vous pas ?
FAQ
Qu’est-ce que le programme APPRENDRE ?
Un projet de coopération éducative mené par l’AUF pour améliorer la qualité de l’enseignement dans les pays francophones du Sud.
Qui sélectionne les membres du conseil scientifique ?
La sélection est pilotée par les instances administratives de l’AUF, sans transparence totale sur les critères ou conflits d’intérêts potentiels.
Pourquoi cet article critique-t-il cette initiative ?
Parce qu’il révèle un manque de contrôle démocratique et d’ancrage local, au profit d’acteurs parfois éloignés du terrain éducatif réel.
Que puis-je faire en tant que citoyen concerné ?
Interroger les institutions, contacter vos élus francophones, ou participer à des collectifs éducatifs indépendants pour une gouvernance plus ouverte.