C’était une promesse gravée dans le marbre des politiques publiques : en 2035, fini le thermique, place au tout-électrique. Pourtant, dans les concessions automobiles françaises, l’ambiance a radicalement changé depuis quelques mois. Les vendeurs, autrefois évangélistes de la mobilité zéro émission, semblent avoir retrouvé leur passion pour les moteurs à combustion. Les clients, eux, hésitent de plus en plus devant les bornes de recharge qui fleurissent partout… mais qui restent souvent hors service. Que s’est-il passé pour que la révolution électrique, promise comme inéluctable, vacille soudainement sur ses bases ? Les signaux contradictoires se multiplient, et ce qui devait être l’année du décollage définitif de l’électrique ressemble étrangement à un retour en arrière spectaculaire.
Les constructeurs font marche arrière : le grand revirement qui stupéfie l’industrie
Selon Rouleur Électrique, les géants de l’automobile ont commencé à ralentir drastiquement leurs investissements dans l’électrique depuis octobre 2024. Mercedes-Benz, pionnier de la transition, vient d’annoncer le maintien de sa production thermique jusqu’en 2040 minimum. Volkswagen a suspendu la construction de deux gigafactories de batteries en Allemagne. Même Tesla, l’icône de la mobilité électrique, diversifie discrètement son portefeuille avec des modèles hybrides en préparation pour le marché européen.
Les chiffres sont édifiants : les ventes de véhicules électriques en France ont chuté de 23% au dernier trimestre 2024, selon les données de la Plateforme Automobile (PFA). « Nous observons un phénomène de désenchantement massif », confirme Philippe Chaîneau, directeur de l’Observatoire Cetelem de l’Automobile, interrogé par nos soins. « Les consommateurs découvrent la réalité derrière les promesses marketing : autonomie réduite en hiver, temps de charge interminables sur autoroute, dépréciation record à la revente. »
Les concessionnaires témoignent d’un retournement brutal. Jean-Marc Finot, président de la Fédération Nationale de l’Automobile, révèle que 67% de ses adhérents ont augmenté leurs commandes de véhicules thermiques pour 2025. Les parkings débordent de SUV électriques invendus, tandis que les délais s’allongent pour obtenir une Clio ou une 208 essence. Le marché a parlé, et son verdict est sans appel.
La bombe technologique qui redistribue toutes les cartes
L’information qui a fait l’effet d’une bombe dans l’industrie : les nouveaux moteurs thermiques Euro 7+ affichent désormais des émissions de CO2 inférieures à 50g/km en cycle réel. Une prouesse technologique rendue possible par l’hybridation légère et les carburants synthétiques, qui rend obsolète l’argument écologique principal de l’électrique. Stellantis vient de présenter son moteur « FireFly Green », capable de fonctionner à l’hydrogène vert avec un rendement de 48%, pulvérisant les standards actuels.
L’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) a publié une étude explosive en janvier 2025 : sur l’ensemble du cycle de vie, un véhicule thermique Euro 7+ émet désormais 12% de CO2 en moins qu’une voiture électrique moyenne rechargée avec le mix énergétique européen actuel. « Nous avons sous-estimé les progrès du thermique et surestimé la décarbonation du réseau électrique », admet Clément Molizon, délégué général de l’AVERE-France, association de promotion du véhicule électrique.
Les constructeurs chinois, pourtant champions de l’électrique, opèrent eux aussi un virage stratégique. BYD développe une nouvelle génération de moteurs thermiques ultra-efficients pour l’export. Geely vient d’acquérir les brevets de motorisation diesel de Volvo. Le message est clair : le thermique n’est pas mort, il se réinvente.

Le fiasco des infrastructures : quand la réalité rattrape les promesses
Sur le papier, la France compte 150 000 points de recharge publics fin 2024. Dans les faits, une enquête de l’UFC-Que Choisir révèle que 42% sont régulièrement hors service, 31% délivrent une puissance insuffisante, et 18% nécessitent des applications incompatibles entre elles. « C’est le parcours du combattant », témoigne Marie Dubois, commerciale parcourant 40 000 km par an. « Mon dernier trajet Paris-Lyon m’a pris 9 heures au lieu de 4, entre les bornes occupées, en panne, ou limitées à 7kW alors qu’elles promettent 150kW. »
Le coût de la recharge explose également. Avec les tarifs Ionity à 0,79€/kWh, recharger une Tesla Model 3 sur autoroute revient à 63€ les 100km, contre 12€ pour une Peugeot 308 diesel. L’équation économique ne tient plus, surtout avec la suppression progressive des aides à l’achat. Le bonus écologique est passé de 7000€ à 3000€, et sera probablement supprimé en 2026 selon les projections budgétaires du ministère de l’Économie.
Les professionnels tirent la sonnette d’alarme. La Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR) annonce que 78% de ses membres renoncent à l’électrification de leur flotte. « Impossible de tenir les délais de livraison avec des camions électriques », martèle Jean-Christophe Pic, son président. Les artisans, les livreurs, les VTC… tous font machine arrière. L’électrique reste cantonné aux urbains aisés effectuant de courts trajets.
2025-2035 : le grand flou qui inquiète tout le monde
L’Union Européenne elle-même vacille. Sous pression de l’Allemagne et de l’Italie, la Commission envisage de reporter l’interdiction du thermique à 2040, voire d’autoriser les moteurs à carburants synthétiques. « La clause de revoyure de 2026 sera décisive », analyse Thomas Pellerin-Carlin, directeur du programme Énergie de l’Institut Jacques Delors. Les lobbys s’activent, les rapports contradictoires s’accumulent, et les politiques naviguent à vue.
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