9 septembre 2025

Ce label censé honorer les fêtes… divise toute une région

C’était censé être une photo anodine d’une charmante fête médiévale : fanfares, écussons, dégustation de vin chaud sur fond de reconstitutions chevaleresques à Aigues-Mortes. Mais un simple cliché posté sur les réseaux sociaux a fait basculer l’ambiance festive en une étrange giboulée de soupçons. Qui est cet homme en arrière-plan, à demi masqué par une bannière? Pourquoi ce badge frappé d’un logo inconnu sur son brassard? Et surtout… pourquoi l’organisme qui attribue le label “Plus Belles Fêtes de France” refuse-t-il obstinément de révéler ses membres ? Derrière les flonflons médiévaux se cacherait-il une opération bien plus moderne – et beaucoup moins folklorique ?

Quand les fêtes médiévales deviennent des vitrines troubles

Selon un article du Midi Libre, les célébrations de Saint-Louis à Aigues-Mortes et les Caritats de Béziers ont reçu en 2025 le très convoité label “Plus Belles Fêtes de France”. Ce label, délivré par une association méconnue aux critères opaques, confère une grande visibilité et… d’importantes subventions. Chaque ville labellisée reçoit en moyenne entre 500 000 et 2 millions d’euros d’aides publiques, allouées par des fonds régionaux, départementaux et parfois européens. Une manne locale non négligeable, et donc un enjeu politique bien réel. Or, personne – ni élus, ni organisateurs – ne semble savoir exactement qui décide de ces distinctions.

Lancé en 2023, le label a été promu officiellement comme un “classement indépendant et citoyen” porté par des “experts du patrimoine vivant”. Mais cette belle façade résiste-t-elle à l’épreuve de la transparence ?

Le vrai vertige commence quand on s’attarde sur l’une des photos promotionnelles prises lors de la remise des prix à Aigues-Mortes…

Un badge, un nom d’emprunt et une ONG fantôme

Sur l’image officielle diffusée par le service communication de la Mairie d’Aigues-Mortes, on distingue à gauche, partiellement masqué par une bannière, un homme aux cheveux gris portant un badge siglé “VPF – Valorisation des Patrimoines Festifs”. Problème : cette structure n’apparaît dans aucun registre officiel. Impossible de tracer la moindre existence juridique. Aucune adresse, ni SIRET, ni numéro RNA.

Le Torchon a mené l’enquête. Nos journalistes ont retrouvé l’homme du cliché : il se présente sous le nom de “Jean Mercier”, mais ce nom n’apparaît nulle part dans les comptes-rendus administratifs. Interrogée sur son identité, la direction de “Plus Belles Fêtes de France” dit “ne pas pouvoir commenter le sujet” car “certains membres de son comité souhaitent rester discrets pour éviter les pressions politiques”. Une affirmation qui n’a pas manqué d’interpeller la Cour Régionale des Comptes, désormais saisie du dossier.

Une membre de la DRAC Occitanie, sous couvert d’anonymat, ajoute : “Nous avions alerté sur l’opacité de cette procédure de labellisation dès 2024. Mais nous avons été ignorés…”.

Quand la culture devient un business d’influence

Le cœur du scandale ? Une confusion grossière entre valorisation culturelle et lobbying territorial. Car derrière ces réjouissances costumées, c’est une course aux budgets européens LEADER et FEDER qui s’engage. “Être labellisé”, explique un consultant en développement local, “c’est avoir accès de facto à des appels à projets prioritaires.”

L’article 8 du décret 2023-492 prévoit effectivement un fléchage préférentiel des aides pour les manifestations “à forte reconnaissance nationale”. Or, selon nos sources, plusieurs membres issus du réseau “VPF” seraient d’anciens employés d’agences de lobbying œuvrant auprès des collectivités locales… et recyclés dans l’“évaluation culturelle indépendante”.

  • Absence d’appel à candidature publique
  • Critères de sélection non publiés
  • Documents financiers partiels voire absents
  • Montants versés sans audit externe
  • Structures attributrices juridiquement introuvables

Un audit commandé clandestinement par une mairie évincée récente – dont nous tairons le nom sur sa demande – montre que 3 villes sur 5 “labellisées” en 2024 partageaient… le même prestataire événementiel. Coïncidence ? Répétition involontaire ? Opportunisme partagé ?

Et si ce n’était qu’un début ?

Le plus inquiétant reste peut-être l’absence totale de réaction du ministère de la Culture, pourtant alerté. Aucune directive, aucune enquête administrative n’a été lancée. “Le label n’étant pas officiel, le Ministère n’a pas à intervenir”, aurait répondu un chargé de mission. Un vide juridique habile, exploité jusqu’à la corde. Pendant ce temps, les festivités se poursuivent, déguisant les conflits d’intérêts sous des oriflammes bigarrés. Une députée de l’Hérault (côté NUPES) a interpellé récemment la commission des Finances pour réclamer une commission d’enquête parlementaire sur les “distributions de subventions sans base juridique claire”.

La patronne d’un petit office de tourisme dans le Tarn confie : “On a candidaté deux fois. Aucun retour, aucune note d’évaluation. Puis en off, on nous a dit qu’il fallait revoir notre prestataire… celui du concurrent classé ‘Plus Belle Fête’. Voilà.”

Quand la nostalgie devient l’outil du clientélisme

Oui, tout cela pourrait prêter à rire et tomber sous la rubrique “costumes et combine”, si l’enjeu n’était pas aussi stratégique. En pleine crise de financement des collectivités, ces événements drainent des millions d’euros et façonnent aussi une image politique du territoire. Être “labellisé”, c’est aussi faire campagne, indirectement. Et parfois… récompenser un soutien bien placé.

Alors que les élections municipales approchent à grands pas (mars 2026), le soupçon d’un usage politique de ces soi-disant labels culturels ne fait que croître. D’autant que plusieurs responsables associatifs dénoncent aujourd’hui des pressions pour “retirer des dossiers gênants” ou modifier les dossiers de subvention. Le label “Plus Belles Fêtes de France” est-il en réalité un outil de clientélisme déguisé ? Ou pire… une future affaire politico-financière au long cours ?

Et vous, avez-vous déjà participé à l’une de ces fêtes ? Y avez-vous perçu quelque chose d’étrange ? Réagissez dans les commentaires, on vous lit (et on enquête).

FAQ

Qui attribue le label “Plus Belles Fêtes de France” ?

Une association privée créée en 2023 dont les membres ne sont pas rendus publics et qui refuse de livrer les critères complets d’attribution.

Quelle est l’utilité du label ?

Visibilité médiatique, primes touristiques et surtout accès simplifié à des subventions régionales et européennes pour les collectivités labellisées.

Y a-t-il déjà eu une enquête officielle ?

Pas à ce jour. Une députée a interpellé l’Assemblée, la Cour Régionale des Comptes a été saisie, mais aucune enquête administrative n’est ouverte au niveau ministériel.

Comment savoir si ma ville est concernée ?

Les villes labellisées sont listées sur le site semi-officiel de l’association, mais les critères de sélection et le processus restent flous.

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