Quand l’acteur charmeur devient prédateur froid 🐍
« Je l’ai vu comme un animal », confiait récemment Tahar Rahim, évoquant sa métamorphose en Charles Sobhraj, alias Le Serpent Wall Street Journal. Dans cette mini‑série BBC/Netflix, l’acteur transfigure un charmeur tentaculaire en un tueur manipulateur, offrant une plongée troublante dans l’abîme de la psyché criminelle.
1. Un rôle taillé dans l’ombre du vrai serpent
Tahar Rahim, déjà acclamé pour Un prophète ou The Mauritanian, opte pour une immersion psychologique intense. Plutôt que chercher à rencontrer Sobhraj – jugé immoral – il choisit d’incarner « un cobra », s’inspirant de Robert De Niro et de son approche méthodique à la Taxi Driver The Guardian. Deux semaines sur le plateau, Rahim évoquait un retrait social total : il ne répondait à personne, imposant un silence glacial aux autres, jusqu’à ce que l’œil de la caméra capture cette atmosphère animale.
2. Une narration éclatée… pour mieux perdre le spectateur
La série adopte un agencement en flashbacks et flash-forwards — un parti pris narratif parfois jugé confus Vanity Fair. Les critiques s’accordent : cette structure décousue vise à reproduire la désorientation de l’époque des hippies dans l’Asie des années 70, avant l’ère du numérique et des communications instantanées The Tribune. C’est une réussite esthétique, mais au risque de diluer l’impact psychologique.
3. Allure 70’s vs horreur glaçante
La reconstitution visuelle est splendide. Bangkok, les plages, l’ambiance bohème : le décor est hypnotisant Vogue. Et Rahim y ajoute une prestance élégante, habits ajustés, polo serré, démarche dangereuse, renforçant l’ambiguïté du personnage. Pourtant, ce contraste soulève un dilemme : comment rester captivant sans tomber dans la glamourisation du crime ? Une tension maîtrisée, mais troublante.
Punchline : Le serpent vous attire… avant de mordre.
4. Représentations contestées : race, contexte, voix
Des critiques – notamment américaines et françaises – pointent un récit trop centré Occident, avec les victimes occidentales au premier plan et le décor asiatique réduit à de l’arrière-plan exotique Vogue. De même, Jenna Coleman (Marie-Andrée Leclerc) affiche un accent québécois jugé peu convaincant The Guardian.
Cependant, l’angle du diplomate néerlandais Herman Knippenberg, incarné par Billy Howle, arrive à contrebalancer : déterminé, il traque Sobhraj avec obstination, incarnant la justice face à la séduction du criminel The Guardian.
5. Zoom sur la série documentaire The Real Serpent
Plusieurs années après, Channel 4 a révélé The Real Serpent, une enquête où Sobhraj, devenu octogénaire, confronte d’anciens enquêteurs et un psychologue forensique jarossi.com. Une initiative lumineuse : y sont décortiqués ses aveux contradictoires, ses échappatoires, et ses mécaniques de manipulation. L’émission révèle un aspect encore peu exposé : le poids des mensonges autocentrés de Sobhraj, et son obsession à contrôler la narration de sa vie meurtrière.
6. Analyse croisée : fiction ou réalité ?
Angles | Apports de Le Serpent | Limites révélées |
---|---|---|
Esthétique & ambiance | Plonge dans l’ère hippie avec intensité | Peut paraître superficiel ou voyeuriste |
Psychologie du tueur | Profil fascinant, performance hypnotique | Risque de romantiser le serial killer |
Contexte historique | Expose les failles diplomatiques | Néglige parfois les enjeux raciaux et locaux |
Éclairage documentaire | The Real Serpent approfondit la réalité criminelle | Fiction prime sur faits concrets |
7. Le gap : le récit des victimes
Un content gap persiste : peu de voix issues des victimes apparaissent dans Le Serpent. À l’inverse, The Real Serpent tente avec prudence d’explorer davantage leur humanité, leurs familles, la traque psychologique menée par des diplomates comme Knippenberg. Un angle à creuser : donner la parole aux proches, restituer les vies brisées derrière les chiffres.
Verdict : une série à la fois captivante et dérangeante
Valeur ajoutée de Le Torchon : cette analyse élargie permet de saisir combien le pari de Tahar Rahim est une prouesse d’équilibre entre séduction et menace, mais aussi combien la série ménage des zones d’ombre : la représentation ethnique, le traitement des victimes, l’approche européenne. Face à cela, la série documentaire The Real Serpent ne se contente pas de l’admiration pour l’acteur ; elle confronte le vrai monstre (« as a seasoned and evasive criminal ») Vanity Fair.
À retenir :
- La performance de Rahim : hypnotisante, brutale, subtile.
- Le style visuel : une balade plastique dans les 70’s.
- La critique nécessaire : narratif, éthique, contextualisé.
- Le complément absolument conseillé : regarder The Real Serpent.
En conclusion
Le Serpent fascine autant qu’il dérange : un objet sériel maîtrisé, parfois brillant, souvent ambigu. Tahar Rahim y incarne l’un des tueurs les plus séduisants… et terrifiants de l’histoire. Mais l’analyse montre que pour vraiment comprendre Charles Sobhraj, il faut croiser fiction et enquête, art et véracité. Ce mélange de thriller cérébral et de vérité documentaire reste la clé pour saisir la portée de ce monstre caméléon.