700 000 Français vont bientôt devoir choisir entre leur santé et leur portefeuille. Le tout dans l’indifférence générale… ou presque. Au rayon des petites bombes administratives planquées sous des avis laconiques publiés en plein mois d’août, celle-ci pourrait bien exploser dans votre armoire à pharmacie plus vite que prévu. Vous prenez peut-être ce médicament sans même savoir que dans quelques jours, il vous coûtera plein pot. Mais ça, personne ne vous l’a dit. Pourquoi ce virage brutal ? Qui est concerné, et surtout, est-ce vraiment anodin ?
Un médicament star, bientôt orphelin de la Sécu
Vous ne le connaissez peut-être pas par son nom, mais il est dans plus de 700 000 foyers français. Le Gaviscon — souvent présenté sous son nom générique “alginate de sodium et bicarbonate de sodium » — est un anti-reflux bien connu de tous les amateurs de chili un peu corsé ou de repas lourds à répétition. Depuis le 1er septembre, ce médicament emblématique ne figure plus sur la liste des produits remboursés par l’Assurance maladie. Selon Le Journal des Femmes Santé, c’est officiel : déremboursement acté. Une décision prise dans la plus parfaite langue de bois technocratique. Résultat : à la caisse, ça piquera autant que votre œsophage.
Le motif invoqué ? L’utilité clinique jugée « insuffisante »
L’argument mis en avant par la Haute Autorité de Santé (HAS) pour justifier cette exclusion est limpide : “efficacité thérapeutique jugée faible.” Autrement dit, le Gaviscon soulagerait, certes, mais pas assez. Un peu dur à avaler pour celles et ceux qui, comme Muriel, 53 ans, en prennent « depuis dix ans, après chaque repas copieux. » Interrogée par nos soins, cette secrétaire en Ille-et-Vilaine peste : « Ils m’ont pondu ça en douce. Vous croyez qu’à 12€ la boîte, je vais continuer éternellement ? ».
Explication technique : la Commission de la Transparence de la HAS a estimé que le service médical rendu (SMR) par ces médicaments était insuffisant pour justifier un remboursement public. Un rapport du gouvernement, mis en ligne discrètement cet été sur Legifrance.gouv.fr, appuie cette position. Et voilà comment on ferme le robinet… sans prévenir les consommateurs.

Une décision qui pèse lourd sur certains patients
Ce déremboursement soulève un sujet bien plus large : celui de la santé des classes moyennes inférieures. Selon une enquête de l’INSEE publiée en 2022, « près de 20 % des Français renoncent déjà à des soins pour des raisons financières. » Alors, que se passera-t-il quand les produits de confort deviennent… des produits de luxe ?
Certains médecins de terrain, comme le Dr Chahira Benali, gastro-entérologue à Lyon, alertent sur un risque de rupture du suivi : « Chez les patients atteints de reflux sévère, certaines formes d’alginate sont mieux tolérées que les IPP. Si on enlève ça, on risque un sous-traitement, ou pire : l’automédication anarchique. » Un mal pour un bien ? Pas sûr, surtout quand les autorités n’accompagnent pas la décision par un plan d’information ou de substitution claire.
- Flacon de Gaviscon : environ 8 à 12 €
- Nombre moyen de traitements mensuels : 1 à 2
- Coût annuel désormais à la charge du patient : entre 96 et 288 €
Un précédent inquiétant pour d’autres traitements ?
Ce n’est pas la première fois qu’un tel “tri” est opéré. Déjà, en 2015, 615 médicaments avaient été examinés par la HAS pour juger de leur rapport coût-efficacité. Et 125 avaient été… doucement poussés vers la sortie. Des noms comme Motilium ou Smecta vous disent sans doute quelque chose : mêmes causes, mêmes conséquences.
Mais ce mouvement ne touche plus seulement les « petits » traitements. L’objectif ? Réduire la facture de l’Assurance maladie — près de 210 milliards d’euros en 2023 selon la DRESS — en réduisant les dépenses à faible impact médical. Une logique comptable peut-être… mais qui laisse souvent les patients seuls à l’addition. Et demain, à qui le tour ?
Et vous, avez-vous déjà observé d’autres médicaments utiles passer à la trappe du remboursement ? Serait-ce un glissement vers une « santé à deux vitesses » ? Le débat est ouvert. Vos commentaires — avisés et courtois — sont les bienvenus ci-dessous.
FAQ
Quels sont les médicaments concernés par cette mesure ?
Le déremboursement concerne les médicaments à base d’alginate de sodium et bicarbonate comme Gaviscon et Gavisconell.
Pourquoi ne sont-ils plus remboursés ?
La HAS estime que leur efficacité est insuffisante pour justifier un remboursement par la Sécurité sociale.
Suis-je obligé de continuer à les prendre ?
Non. Un médecin peut vous proposer une alternative selon votre pathologie digestive.
Va-t-on vers plus de déremboursements ?
Oui, l’État poursuit une politique ciblée de limitation des remboursements pour les médicaments à faible utilité clinique jugée.