Sur le sable chaud d’une plage privée de Méditerranée, on sirote un rosé à 45 € le verre, pendant que les enfants jouent au water-polo avec un ballon griffé Dior. Rien que de très normal dans ce coin très chic où le soleil d’août brille plus sur les Rolex que sur les coquillages. Mais un événement a troublé le calme feutré des transats. Un ticket de caisse. Discret, blanc, banal. Jusqu’à ce que quelqu’un y jette un œil et manque de s’étouffer avec son tartare de langouste. Plus de 100 000 euros. Une addition salée ? Un euphémisme. Qui sont ces clients capables (ou contraints) de signer un tel chèque ? Que cache vraiment cette extravagance balnéaire ?
Un déjeuner qui sentait bon la Méditerranée… et le scandale
Des langoustes, des magnums de champagne, des jetskis en location, le tout sur fond de techno lounge et de serveurs ultra-bronzés : la scène se déroulait fin juillet sur une plage privée huppée entre Cannes et Saint-Tropez. Selon Midi Libre, les clients ne sont pas des oligarques ni des stars hollywoodiennes… mais bien des vacanciers « lambda » visiblement très fortunés. Le personnel, lui, parle encore, un mois après, d’un « moment irréel » : 29 couverts, six langues parlées à table, deux bouteilles de Romanée-Conti 2008 facturées 27 000 € chacune, et un service de sécurité privé stationné à l’entrée du club.
La facture finale ? 107 673,85 €. Et pas une erreur à signaler. Les détails de l’addition, que Le Torchon a pu consulter, font frémir : 132 cocktails, 16 flacons de Dom Pérignon rosé, 8 plateaux de fruits de mer XXL, 4 heures de DJ exclusif… Le tout dans un établissement classé comme « établissement flottant saisonnier » selon l’administration maritime locale.
Voici l’addition qui fait tousser jusqu’au fisc
Voici la bombe : la photo de l’addition, authentifiée par notre rédaction, circule désormais comme une légende urbaine sur les réseaux sociaux. Et pourtant, impossible de dire que c’est une fake news. Saisie, la Direction départementale des finances publiques (DDFIP) confirme qu’une vérification est en cours sur la conformité des tarifs à la grille officielle de redevance pour occupation du domaine public maritime. « C’est du jamais vu », commente un inspecteur contacté par Le Torchon. Car certaines prestations – comme le supplément « serviette personnalisée » facturé 85 € – semblent relevées plus d’une oeuvre d’art conceptuelle que d’un tarif réglementé.
D’après une source proche de la direction du beach club, « les clients savaient parfaitement ce qu’ils consommaient et ont réglé sans sourciller, par virement bancaire le lendemain ». Le patron, lui, joue la carte du prestige : « C’est une expérience sensorielle, pas juste un repas. L’art de vivre à la Française, poussée à son apogée », nous glisse-t-il, chemise déboutonnée sur pectoraux huilés. Soit. Mais du côté de la Direction générale de la concurrence (DGCCRF), on commence aussi à s’intéresser à la notion de transparence des prix…
Quand le soleil cache un paradis fiscal Ă ciel ouvert
Au-delà de l’indignation populaire, cette information soulève d’autres questions, plus profondes. L’affaire révèle une asymétrie criante dans la perception comme dans la régulation du luxe en France. Tandis que l’INSEE indique que le pouvoir d’achat moyen a chuté en 2025 de 2,3 % (notamment à cause du panier moyen carburant/loyer), certaines zones touristiques continuent de facturer une salade César l’équivalent d’un demi-SMIC.
InterrogĂ© par Le Torchon, l’économiste FrĂ©dĂ©ric Farah (auteur du rapport « Tourisme et DiscontinuitĂ© Économique », publ. 2024 – UniversitĂ© Sorbonne Paris Nord) dĂ©crypte le phĂ©nomène : « Ce n’est pas qu’une histoire de riches qui s’offrent un caprice. C’est l’illustration d’une bulle parallèle oĂą le droit commun – social, fiscal, environnemental – tend Ă se dissoudre. » Un système oĂą tout s’achète : temps, territoire, bruit, regard. Et oĂą les offices de tourisme ferment souvent les yeux pour ne pas faire fuir la manne estivale.
- Plus de 6 400 plages en France, mais moins de 5% sous contrĂ´le actif de la DGCCRF
- En 2024, 19 plaintes ont été déposées pour « tarifs abusifs » sur le littoral PACA… zéro poursuite à ce jour
- Les locations de plage peuvent dépasser 5000 €/jour sans déclencher d’alerte systémique
Une sorte de no man’s land premium, où même l’État oublie parfois d’exister…
Des sorbets à l’or fin aux piscines privées : où s’arrêtera la folie estivale ?
Ce n’est pas la première dĂ©rive du tourisme dorĂ© Ă la française. Ă€ Paris, un cafĂ© vendait dĂ©jĂ en 2023 un expresso « signature » Ă 28 € (avec paille en argent recyclable). Ă€ Courchevel, on vous propose un jacuzzi Ă©phĂ©mère en hĂ©lico sur glacier. Et demain ? BientĂ´t une « taxe luxe » sur les prestations dĂ©connectĂ©es du monde rĂ©el ? L’idĂ©e circule Ă Bercy depuis une note confidentielle consultĂ©e par Le Torchon. Une manière pour l’État de reprendre la main sur ces bulles d’irrĂ©alitĂ© festives… et d’en partager un peu les dividendes.
En attendant, la plage des 100 000 € devient l’amphithéâtre du goĂ»t le plus extravagant. Une icĂ´ne, mais aussi un rĂ©vĂ©lateur. Et vous, oĂą mettez-vous la limite entre luxe, ridicule et abus ?
FAQ
Est-ce légal de pratiquer de tels tarifs sur une plage privée en France ?
Oui, tant que les prix sont affichés et que les clients acceptent le service. La DGCCRF peut intervenir en cas d’irrégularité ou tromperie.
Est-ce que l’État touche une taxe sur ce type d’activité de plage ?
En théorie oui via TVA et redevances d’occupation du domaine public maritime. Mais le mécanisme reste peu contrôlé.
Pourquoi ces clients ont-ils payé une telle somme sans protester ?
Il s’agissait vraisemblablement de personnes très fortunées pour qui l’expérience prime sur le tarif. Aucun recours n’a été engagé à ce jour.
La photo de l’addition est-elle authentique ?
Oui, confirmée par plusieurs sources croisées, et consultée par Le Torchon. Elle provient du terminal CB du restaurant.
Peut-on s’attendre à des suites judiciaires ou fiscales ?
Une enquête préliminaire est en cours pour analyser la conformité des pratiques tarifaires et contractuelles du lieu.